13/10/2011

Emmon | Nomme

On n'attendait pas cette année le retour d'Emmon, du moins pas avant sa fin. Pour une raison très simple : d'après les rumeurs plus ou moins fondées, le groupe Paris, dont elle est membre, aurait dû revenir. A la place, "Distance" s'est présenté en mars, suivi de "Ghost Dance" en mai puis de l'album en juin, Nomme (palindrome d'Emmon). En fait, on aurait dû un peu s'en douter car la régularité semble avoir été intégrée dans son vocabulaire.

01. Basexpressen
02. Distance
03. Body Jar
04. Ghost Dance
05. Black Light
06. Slottet
07. Love Track
08. Oratory
09. All Yours
10. Hammerville Heigths

Après The Art & The Devil et Closet Wanderings, l'envie n'était pas si pressante de recevoir un autre album d'Emmon si tôt car le dernier album en date remplissait parfaitement ses objectifs. Mais Nomme a débarqué : fini les quelques bruissements de pop indé, reliquats de son premier album et de son groupe Paris, distillés avec parcimonie à travers Closet Wanderings, l'équilibre est définitivement rompu. Emmon embrasse désormais pleinement la musique électronique : tout juste concède-t-elle d’approfondir ses formules appliquées précédemment mais au détour d'ambiance plus noire et plus tangible et surtout de se les approprier à travers des structures inédites pour elle, grâce notamment à des collaborations sur cet album, une première.

Parler de noirceur serait exagéré : c'est plutôt un album obscur où Emmon transpose des banalités de la vie quotidienne dans un monde étrange et dérangeant. La piste d'ouverture "Basexpressen" jongle à travers tous ces aspects : elle mise sur la dureté de l'EBM mêlée à l'electropop plus coutumier en faisant parcourir le titre d'un vrombissement sourd et martelé le plus possible. Ces effets assourdissants ne sont pourtant que l'une des composantes mais on les retrouve fréquemment autant dans les instrumentaux que les morceaux dansants et efficaces, "Ghost Dance" en tête : justement, les sirènes de "Ghost Dance" font un détour nostalgique par les synthés vintage et évoquent le lieu vers lequel on doit fuir pour ainsi montrer qu'Emmon aborde à partir de ce moment-là une autre réalité. C'est fort voire même parfois trop bruyant et en même temps cela rassure car on n'a quelque chose à quoi se raccrocher.

Cette autre réalité se dévoile sur cinq titres successifs, de "Black Light" à "All Yours" en passant par l'enfer de "Oratory". D'ailleurs, ce n'est pas un hasard puisque ces morceaux s'enchaînent avec aisance. Au cœur de cet opus, Emmon dépeint des scènes inquiétantes et parfois d'horreur à laquelle l'identification peut se faire différemment selon que l'on attarde plus sur le rythme ou les paroles. Par exemple, pas besoin de paroles dans le long tunnel que représente "Black Light", la symbiose se fait naturellement entre une ligne de basse dominante et presque pulsée et des effets plus droits, directs, entre la modernité et les émanations soulevées dans "Ghost Dance". C'est une réminiscence de "Distance" dans une version moins pop. Arrivé au bout, c'est l’explosion avec "Slottet" (littéralement château en suédois) : des rythmes écrabouillés et concassés oppressent et agressent l'auditeur, l'enfermant dans un espace isolé et totalement confiné. Cette agitation oblige à rester immobile de peur de se perdre, ce qui n'est pas le cas avec "All Yours" et surtout "Love Track". Dans l'optique de ne pas s’ankyloser, Emma entreprend de faire parvenir un état fiévreux à nos oreilles suscité par l'opulence et la cadence du rythme : les airs suintants de disco noir sur "Love Track" seront forcément énergivores alors que le point d'orgue, "All Yours" se montre habilement à travers la tension soulevée par la mélodie effrénée au point d'attirer, sans possibilité d'avoir un quelconque rejet. Entre temps, on a atteint l'enfer avec "Oratory" qui arbore une mélodie calme et froide car oui, l'enfer n'est pas ce que l'on croit.

Pas besoin de trop réfléchir, une simple écoute suffit pour se forger une idée de ce qui se trame. Le dernier titre, "Hammerville Heights", est encore une piste instrumentale avec un aspect poli et hypnotique qui permet de sortir du tunnel sans encombre car guidé mais Emmon ne se heurte pas cette fois à la superposition d'éléments contraires comme par exemple sur "Body Jar" où tout se côtoie sans réellement se mélanger. On le voit d'ailleurs dans les vidéos issues de cette ère, le visuel occupe une place non anodine : l'importance accordée aux mélodies éclipse un peu la voix d'Emma mais elle a trouvé une stabilité en mettant en musique des scènes qu'elle a vécues, du moins vues. C'est l'une des raisons pour laquelle "Night Bells Calling" n'aurait pas démérité d'être sur l'album. De même pour "Lost Little Ghost" (rien que pour l'angoisse qu'il suscite). Il est néanmoins préférable de se le procurer.


Emmon - Love Track


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